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2006-2018 : Douze ans de souvenirs

Il y a dans la vie  de ces moments désagréables, presque insupportables, où l’on oublie tout ce que l’on a fait pour ne garder en tête que ce que l’on n’a pas fait ou n’a pas pu faire…

Ce n’est pas un intellectuel ; ça repose. Mathieu Galey

 

Si le liseur de nouvelles a souhaité reprendre du service, c’est que, depuis la parution en 20005 d’une deuxième série de ces anecdotes personnelles, nées de diverses rencontres, qu’il n’a jamais hésité à rapporter sans fard, sans donc rien déguiser de cette vérité qui n’est pas souvent bonne à dire, il a encore trouvé matière à se souvenir.

 

les pique-assiette

C’est toujours avec plaisir que le liseur de nouvelles reçoit des courriels d’étudiants ou de chercheurs étrangers lui demandant conseil, éclaircissements…en vue d’un travail sur la nouvelle. Tel cet Ukrainien (qui le gratifie d’un nouveau surnom : « l’explorateur le plus connu de la nouvelle », cet Egyptien, cet Iranien, cet Algérien, cet Ivoirien, ce Sénégalais,  cet Italien, ces deux Français  –  et quand même un Belge ! C’est toujours  avec plaisir qu’il répond (Ne l’a-t-on pas appelé le « souteneur de la nouvelle » ?). Parfois il ne peut s’empêcher d’être surpris quand certains, avec le plus bel aplomb, réclament l’envoi par courrier postal ou électronique (de préciser dans ce cas le format PDF) des tirés à part de ses articles, voire carrément un exemplaire de ses livres (Reconnaissons que la démarche est cavalière). Comme le liseur de nouvelles n’est pas un philanthrope (la nouvelle, l’a-t-il dit, ne nourrit pas son homme), il croit être en droit de réclamer des frais de port. C’est alors que les choses prennent une tournure qui va le laisser pantois : pas de réponse, plus jamais de réponse ! Et l’histoire n’est pas finie : à l’exception d’un correspondant, tous ceux qui ont été bien contents de recevoir les conseils ne se manifestent plus par la suite. Je propose cet autre surnom du liseur de nouvelles » : le dindon de la nouvelle ».

les énervés

Voilà une rubrique que je n’aurais jamais voulu introduire. Mais deux personnes (Attention danger ! les noms ne seront pas donnés) ont manifesté une telle agressivité à mon égard que je ne  pouvais pas la passer sous silence, l’une en raison du compte rendu de son étude qu’il n’avait pu supporter, l’autre parce que je ne voulais pas adhérer à ses projets.

La première affaire relève de la querelle universitaire (On va voir à quelle dérive elle mène). En 1996 (retenez la date), je fais la recension d’une étude sur la nouvelle, je la juge, en me justifiant, peu efficiente à tous points de vue, et le dis sans ménagement (Je reconnais que j’y vais parfois un peu fort…). Sans que cela provoque de réaction de l’auteur. Dans l’entre-temps, le compte rendu était passé sur  mes deux premiers sites,  dont le  second, celui que Vincent Engel, en 2006,  avait eu l’amitié de créer à l’occasion d’un de mes anniversaires. En 2011, je répète en 2011, Vincent Engel me fait parvenir ce courriel lui adressé, dont je livre ici les meilleurs extraits :

Je viens de découvrir avec stupeur…ce qui est écrit à propos de mon  livre […] Pouvez-vous me dire qui est réellement l’auteur de cette diatribe ? Quelles sont ces façons qui déshonorent leur auteur ? Il est évidemment facile de dénigrer la personne même à laquelle on s’attaque, dans son identité intellectuelle, plutôt que d’analyser ses travaux. Tout dans ce propos n’est que malveillance et calomnie, et l’on ne cherche à aucun moment à essayer de comprendre le moins du monde ma démarche,  quelle qu’elle ait pu être… Peu importe au fond. Ce qui me navre en revanche ce sont les allégations du type « j’ai pu personnellement mesurer l’incommensurable inculture de X. , etc. »  Ce n’est plus, pour le coup, de la critique d’humeur, mais de la diffamation, pure et simple, et de la pire espèce. L’auteur aurait tout aussi pu évoquer mon faciès et ma religion. J’en suis profondément choqué, et je me réserve le droit, sur ce fondement, d’attaquer prochainement votre site – à moins que vous ne fassiez retirer ces lignes insultantes  ou cessiez de les cautionner de la sorte.

Devant une telle vanité blessée (J’ai eu beau relire mon texte, le faire relire par d’autres,  je ne parviens toujours pas à comprendre ce qui a motivé une telle réaction, d’autant que les mots entre guillemets n’y figurent même pas), que faire ? Répondre et s’exposer encore davantage ; perdre mon temps à s’expliquer sans la moindre chance de succès (On tient d’autant plus à ses idées qu’on en a moins, a dit quelqu’un). Non. Sagement, décision a été prise d’enlever du site ce texte si encombrant – en précisant toutefois qu’il a été conservé sur le premier site !!!!!

La seconde affaire  relève d’un genre différent : l’égo surdimensionné du littéraire  (Combien en ai-je  fait l’expérience  au cours de ces cinquante-trois ans !)

Après la parution d’un article sur Maupassant dans Le Magazine Littéraire en 2011, je reçois le courriel d’un auteur qui m’engage à  découvrir ses recueils (à les acheter aussi), qui me dit être l’inventeur de la nouvelle abstraite, et qu’il se voit être dans les prochaines années une sorte de nouveau souteneur de la nouvelle (le premier étant moi !). Je cite un premier extrait :

Je vous propose en un premier temps de vous procurer l’un de mes trois recueils de nouvelles […] Il vous permettra de découvrir une texture inédite.  Vous pouvez déjà  obtenir quelques impressions en  allant dans mon espace auteur […] Où vous aurez accès également à mon article ’Les fondements de la nouvelle abstraite ‘ […] Vous le dites fort bien  […] La nouvelle est un genre qui se vend peu. Ceci dit, les spécialistes et les régénérateurs comme moi sont rares. Et c’est peut-être à moi à jouer un rôle majeur dans la diffusion de ce genre ô combien exigeant. Si je m’adresse à vous,  c’est aussi parce que vous êtes Belge, citoyen d’un pays vert…C’est peut-être la Belgique, ainsi, qui reconnaîtra d’abord mon travail.

Assez surpris (Nouvelle abstraite ? connais pas  – Pays vert ?) par ce qu’il faut appeler les signes d’une prétention hors pair, je réponds que je me tourne à présent vers la nouvelle du XIX° siècle. J’ai alors droit à cette réponse :

Quel étrange revirement de votre part […] dont la raison est tout entière dans ce « XIX° siècle », qui, seul vous intéresse Peu importe d’ailleurs, les éventuelles raisons souterraines de votre soudain désenthousiasme à mon égard. Je vois bien que votre regard est celui d’un archaïsme qui curieusement a écrit des ouvrages sur les nouvellistes contemporains, et votre ton celui d’un homme profondément aigri. Je vous suggère de laisser la littérature à ceux qui la travaillent. Faites du jardinage, jouez au bridge…ou que sais-je encore…mais de grâce délaissez  la littérature. Vous rendrez service à la fois à cette grande dame abstraite, ainsi qu’aux lecteurs.

Fichtre ! passer sa vie à défendre la nouvelle et s’entendre dire de pareilles choses ! Il valait mieux ne pas donner suite.
Mais tout le monde ne finit pas énervé à me lire.

J’ai ainsi le souvenir de deux lettres (de professeures) m’admonestant gentiment, avec la plus grande correction, pour avoir émis des réserves à leur article. Il est évident que je leur répondu dans les termes les plus courtois.

les ingrats

Lorsque je publiais en 2009 une anthologie de nouvelles belges, la seconde en son genre après une première  datant de 1958, je m’attendais très naïvement à un autre traitement de la part des auteurs vivants retenus (on rangera à part Vince Engel, le  co-directeur du projet) et de la presse.

La grande désillusion : des neufs auteurs vivants choisis, seul un m’a remercié : Michet Host. Pas de réponse de Georges Thinès, Pierre Mertens, Dominique Rolin, Georges Polet. Par ailleurs, j’ai su que Michel Lambert s’était plaint de mon choix, que Nicolas Ancion s’était surtout plaint de l’éditeur pour une question de copyright. Quand je songe encore que Colette Nys-Masure, prévenue du projet, m’écrivit pour contester mon premier choix, que Yves Wellens m’adressa un courrier me demandant seulement  pourquoi je l’avais choisi, que Thomas Gunzig ( dont j’aime les textes) n’a pas voulu participer à l’aventure… Mais ils se prennent pour qui ces gens ?

La grande désillusion (bis) : le recueil – qui a fait le meilleur chiffre de vente de la maison avec un titre de  Vincent Engel – n a suscité aucun écho dans la presse belge (sauf dans un journal, mais qui est sous contrat avec l’éditeur) ; quant à l’organe officiel de la littérature belge francophone, Le Carnet et les instants, il s’est contenté de faire mention de sa parution (Il est vrai que mes livres ont toujours subi le même traitement…).

Par contre, plusieurs recensions sur la toile.

Je croyais avoir tout encaissé. C’était sans compter ce qu’il me fallut endurer lors de la mise sur pied d’une deuxième édition – voulue par un nouvel éditeur.

Je raconte.

Et d’un. Les services de ce dernier s’étant aperçu que les contrats d’éditeur du volume de 2009 n’étaient pas en règle (On rêve !) n’eurent d’autres ressources que de tout remettre à plat. Avec comme résultat…la suppression  pour le volume de 2015 des textes (4 sur 35) édités chez Gallimard, Grasset et au Seuil. Rageant, non ? Voir ainsi son propos tronqué  de la sorte. Et ce n’est pas le fait d’avoir placé d’autres textes qui me consolera.

Et de deux. L’éditeur ayant eu le mauvais goût de céder aux exigences (aux diktats serait plus juste) de deux auteurs, je me suis retrouvé à refaire la présentation du texte de l’un, Yves Wellens, qui n’avait pas apprécié mon interprétation de sa nouvelle, et d’accepter que l’autre, Michel Lambert, tiens donc !, fasse supprimer le texte retenu par moi pour imposer un autre de  son choix. Toujours rageant, non ? On appréciera la rare inélégance de ces personnages de ne jamais s’adresser d’abord à moi.

Et de trois.  La désillusion toujours : deux  des nouveaux auteurs  vivants  choisis, Amélie Nothomb, Denys-Louis Colaux, n’ont  pris la peine de m’écrire ; une réception critique quasi nulle : un seul entrefilet.

Et de quatre. Par contre sur la toile l’ouvrage a eu son lot de commentaires. Dans un sens  parfois que je n’attendais pas. Telle cette intervention d’une nouvelliste belge (Que je ne connaissais pas – par charité nouvellistique, on taira on nom) pour m’agonir d’injures (de persifler ainsi que le volume n’était  qu’un cimetière). Tout cela bien entendu parce que je n’avais  retenu un de ses textes.

Et de cinq. C’’est la stupéfaction d’apprendre que,  souvent,  ce n’est pas le volume de 2015 que l’on recommande d’acheter mais celui de 2009 qui est épuisé.

Deux anecdotes en complément au sujet de Michel Lambert, un auteur qui ne me porte pas  décidément dans son cœur depuis longtemps pour la bonne raison sans doute que je n’ai jamais traité ses recueils comme il le voudrait (Il est vrai, que pour moi, il ne sera jamais qu’un nom parmi une foule d’autres).

La première : lors d’une rencontre avec le public dans une librairie de Liège, il se mit à disserter de la nouvelle-instant (cette notion dont tout le monde m’attribue la paternité) sans évoquer mon nom alors qu’il n’avait pas pu s’apercevoir de ma présence dans  l’auditoire.

La seconde : quelques mois après la parution de la deuxième édition de mon anthologie, il se fendit d’un courriel pour me dire tout l’honneur d’y figurer, en me demandant  mon adresse pour m’envoyer son dernier opus… Dois-je dire que je n’ai pas eu un moment l’idée de répondre à la demande.  – je viens de lire dans un journal (août 2017) que Michel Lambert est tenu pour l’un des ténors de la nouvelle en Belgique francophone…

les regrets (parfois plus que des regrets)

Ils ne sont pas nombreux mais ils comptent.

-voir toujours cité à l’heure actuelle dans des bibliographies,  des monographies, des études ou articles sur la nouvelle ce livre sur la nouvelle française écrit en 1974 qui est épuisé depuis belle lurette, et ne faire presque jamais allusion à sa réédition en 1995. Comme si mon commentaire sur le genre s’était arrêté en 1974.

-voir La Nouvelle de A à Z à peine recensé dans la presse littéraire et universitaire. Heureusement que la toile existe.

-être presque sûr de ne jamais voir paraître cette anthologie de la nouvelle au XX° siècle, un rêve que je poursuis depuis les années 1980-1990 : voir rubrique ci-dessous.

-lire,  en août 2017,  sur le site  Réviser le BAC,  un site intellego, que la nouvelle est un « genre tombé en désuétude au XX° siècle «  amène à se demander pourquoi en fin de compte on fait des recherches …

les curiosités

Elles sont plaisantes.

-découvrir qu’un écrivain américain, qui ne comprend pas le français, m’interroge pour savoir si j’aurais parlé de ses  recueils dans La Nouvelle de A à Z.

-recevoir la lettre d’un musicologue autrichien qui  s’intéresse à Franz Liszt pour m’informer qu’un de ses opéras de jeunesse s’inspire d’une nouvelle de Florian, dont j’ai publié naguère une édition critique du recueil où elle figure.

-apprendre qu’un article d’une Association Culturelle Juive me cite à l’occasion de ce même Florian : « Cervantès le marrane, et les Juifs Contandins dans  la littérature française du XVIII° siècle. Deux nouvelles de Florian ».

-trouver cocasse qu’un collectif de nouvelles érotiques que j’avais conçu dans les années 1990 mais qui ne parut jamais (voir Les Affaires Epaud dans mes premiers Souvenirs) est toujours inscrit – avec son prix – dans  des listes d’ouvrages à paraître.

-savoir que mes livres récents sont achetés par une librairie de Romans (en Drôme) du nom de Frédérique Godenne (Il paraît que nous sommes dans le même arbre généalogique).

-lire que la nièce d’un auteur (que je  ne connaissais pas) me demande de lui chercher un éditeur pour la réédition de son recueil écrit en 1946.

 

les plus

-c’est le fils d’un nouvelliste suisse (Jean-Paul Pellaton : voir mes  premiers Souvenirs), qui m’écrit pour me remercier de ce que j’ai dit de lui.

-c’est L’Aimant littéraire (le site d’un atelier d’écritures) qui me sollicite pour un entretien.

-c’est le créateur d’un autre site, La Vie littéraire, avec ses rubriques Etudes, Littéralement Nouvelles, Mathieu Baumier, qui me propose une collaboration régulière. Hélas ! l’aventure n’aura qu’une année d’existence.

-ce sont ces étiquettes de « nouvelle-instant », de « nouvelle histoire », lancées dès 1974 qui sont passées à présent dans le domaine public des études de la nouvelle. A tel point qu’on en oublie de faire allusion à mon nom !

-c’est le représentant d’une maison d‘édition numérique qui se voudrait être la première à publier des nouvelles contemporaines inédites qui me contacte (en 2013) – mais  les choses en resteront là rapidement quand ce monsieur se fera virer…

les récompenses (le top)

-c’est en ce mois de janvier  2018 le plaisir de compter sur mon site Le Liseur de nouvelles de Besançon plus de 62000 visiteurs.

-ce sont ces références à mon travail  trouvées sur la toile :

-« Où trouver des conseils pour écrire une nouvelle »

– Classiques et Contemporains Nouvelle à chute Livret du professeur

–  La Boîte à nouvelles

– Passion Lettres : comment écrire une nouvelle-instant

– Je réussis mon bac 2016 : Focus sur la nouvelle

 – En-quête Ecrire une nouvelle-instant La Réunion 2016

 L’Esprit livre 2017, Formation d’écrivains première année, avec  cette précision : Tout savoir sur la nouvelle : voir l’œuvre encyclopédique de René Godenne   (hum…)

Focus sur la nouvelle de Claire Sicard (2017)

–ces autres  sites : Mina a lu…, Horizons Culture, Encyclopédie de l’Agora, Bibliothèque électronique du Québec …

-c’est cette  fidélité québécoise : tel Michel Lord, professeur à la retraite de l’Université de Toronto, qui,  depuis  plusieurs années, prend la peine de recenser mes études, qui a eu en plus la bonne idée de réaliser une longue interview de moi pour la revue XYZ en 2016.

-c’est cette lettre datée de 2007 d’une ancienne étudiante :

Nous nous connaissons mais vous m’avez oubliée ; j’ai suivi vos cours à Paris III justement…J’avais 18 ans. J’étais très sage, peu loquace, très passionnée par vos cours bien que cet engouement n’ait pas été visible. Vous m’avez accueillie, lors du compte rendu que vous faisiez à chaque étudiant de son travail par les mots : »Vous m’avez étonnée ». Ma copie sur une nouvelle d’André Stil (« La Tarte », une histoire de cuisine entre farine et littérature)  manifestait un peu plus de présence que ma présence elle-même. J’adorais votre exaltation pour le texte court, et vous me l’avez communiquée. Je suis devenue une militante, vilipendant la suprématie du roman, prête à monter aux barricades pour défendre la perfection du genre. J’ai continué à dévorer les textes courts (peut-être parce que je suis fainéante) et ai choisi  ce genre-là comme sujet de thèse, qui entreprend de regarder les liens entre nouvelle et tragique (chez Carver, Fournel et Benacquista). Je vous le dois d’une certaine façon ; je n’ai pas de question précise, j’avais juste envie de vous dire que vous m’avez marquée durablement.

la blessure

Apprendre  qu’une communication pour un colloque a été refusée par le comité de lecture de la maison d’édition où elle devait paraître n’a en soi rien de dramatique (Reste qu’on souhaiterait avoir des explications, connaître les compétences de celui qui a porté le jugement, lui qui en est toujours à se réfugier dans l’anonymat). Mais   quand, après avoir publié  autant d’articles,   on lit, dans un rapport  au sujet d’une communication acceptée par les organisateurs d’un  colloque (en 2014), une remarque de ce genre, à savoir qu’il s’agit de l’article de trop, on encaisse mal…

Publié dans53 ans de publications