1. 172 titres, dont 105 « nouvelles »,auxquelles il faut ajouter ces 11 titres où se lit « nouvelle » dans le corps du texte, en quatrième de couverture, de recueils sans étiquette terminologique : « ce recueil de nouvelles « (Th. Gunzig, A part moi personne n’est mort, Le Castor Astral), « recueil de nouvelles « (Un jour de bonheur, Laffont), ce recueil de contes : « une quinzaine de nouvelles » (Contes érotiques de l’an 2000, La Musardine), ces 2 recueils de récits : « cinq autres nouvelles » (E. Faye, Les Lumières fossiles et autres récits, Corti), ce titre de « romans « : « Les deux courts romans (ou longues nouvelles) « (J. M. G. Le Clézio, Hasard suivi de Angoli mala, romans, Gallimard), ces 2 titres parus dans des collections de nouvelles, ces 2 autres qui ont obtenu un Prix de la Nouvelle : Histoires de trains (Verviers, La Dérive, Prix Richelieu de la Nouvelle), Chroniques barbares de M. Castaignède (Prix Prométhée de la Nouvelle), soit le total élevé, comme en 1998, de 128 nouvelles – sans oublier que l’ensemble des textes de J. Vautrin (Histoires déglinguées, Fayard) est accompagné d’un texte sur la nouvelle et que, par trois fois, « nouvelle » coiffe les autres étiquettes : Contes noirs de fin de siècle, nouvelles, Pollutions, histoires d’environnement, nouvelles (Fleuve Noir), E. Turbet, Histoires fantastique et cruelles, nouvelles (Ed. Pierron)
Remarque : « nouvelle » figure encore 4 fois dans des étiquettes doubles : 2 « contes et nouvelles », 2 « nouvelles et récits »
2. Les grandes tendances
- aucun exemple de longue nouvelle (soit un texte qui dépasse la centaine de pages)
- la brièveté (Histoires expresses, Laffont), symbolisée par cette collection de »Nouvelle » – un seul texte – aux Ed. du Rocher (5 : H. Fr. Blanc, Le Dernier survivant de Quatorze, Th. Séchan, La Peine de mort) et la parution de 6 textes seuls (R. Bianchi, Céleste, nouvelle, Antibes, Centre de l’Edition), avec cependant peu de recueils qui dépassent les 25 textes (49 d’une page : G. Kolebka, Retour aux villas sans souci, Le Castor Astral, 37 : Ch.. Peugeot-Peyron, Le Livre des réincarnations, nouvelles, Ed. Lanore, 47 : R. Dalla Rosa : De Charybde en syllabe, nouvelles, Ed. Pierron, 50 : Histoires expresses, nouvelles)
- la nouvelle est une histoire (« Je suis seulement un inventeur d’histoires », « J’aime que la chute éclate comme un coup de feu », Perles noires, le meilleur du polar de Cognac, Ed. du Choucas, p.21, 102) : « J. Ch. Belleveaux, Géométries de l’inquiétude, neuf histoires du temps cruel, Ed. Rafaël de Surtis, Ch. Bourguignon, Le Roi de pique et autres histoires choquantes, Ed. Lux, J. Valogne, Histoires insolites, Delaunay, avec à l’occasion un recours au cadre : « Vous connaissez l’histoire de l’empereur Simon 1er qui était fou à lier ? – Non, vous ne la connaissez pas ? Dans ce cas, je m’en vais vous la raconter. », E. Turbert, Histoires fantastiques et cruelles, nouvelles, p.2)
- la nouvelle-instant est toujours pratiquée par certains, mais parcimonieusement : N. Barré, Séparations, nouvelles, Ed. d’Ecarts, M. Lambert, La Troisième marche, nouvelle, Ed. du Rocher
- le terme de « nouvelle « désigne toujours abusivement des recueils de récits, de « textes » à la limite du poème en prose : R. Dalla Rosa, De Charybde en syllabe, nouvelles, F. T. Fortune, Pas de deux et autres nouvelles et récits, ETE Ed. (« Accord magique !/Ondes fantastiques !/Hasard merveilleusement organisé !/Alchimie mystérieuse de la rencontre !/ », p.47)
- le jeu sur les termes : Ph. Andrès, Nouvelles d’amour et d’ailleurs, Ed des Ecrivains, Oser 9 nouvelles en Nord, Nouvelles Latitudes, Des Nouvelles du Québec, Ed. ooh.oo. com
- les rapports roman-nouvelle, que Le Clézio ne simplifie pas avec cet usage terminologique : Hasard suivi de Angoli Mala, romans, 2 textes présentés par l’auteur comme « deux courts romans (ou longues nouvelles) »
- le recueil-ensemble : avec ces textes de Ch. Robillard, La Fontaine aux fées, contes à croquer, Le Verger Editeur, enfermés entre un « prélude » et un « épilogue », avec ces recueils voulus comme « suites » : G. Kolebka, Retour aux villas sans soucis (après Villas sans soucis, 1986), C. Fleishman, Un slow des années 50, Le Castor Astral (après les recueils de 1992, 1994, 1995, 1996)
3. Les grandes constantes
- toujours en premier le quotidien particulier (« Qui a peur d’ouvrir la trappe de l’ego ? », T. Benacquista, Tout à l’ego, Gallimard, p.21, J. Deconinck, Diabolique ego, nouvelles, Ed des Ecrivains) plutôt que le quotidien ordinaire (« C’est une histoire banale que je te raconte qui se déroule maintenant, sans rien d’exotique, rien d’extraordinaire. », Ph. Andrès, Nouvelles d’amour et d’ailleurs, p.75), avec chez d’aucuns la recherche – guère réjouissante- du morbide : Fr. Beigbeder, Nouvelles sous extasy, nouvelles, Gallimard, le Belge Th. Gunzig, A part moi personne n’est mort, V. Despentes, Mordre au travers, nouvelles, Librio n°308 (avec cet avis (!) : « Cet ouvrage tient des passages susceptibles de heurter la sensibilité de certains lecteurs. »)
- l’exotisme et le quotidien régional sont à peine représentés : B. Mauriès, Par plaies et par bosses, contes et nouvelles, L’Harmattan (Djibouti, Madagascar), M. Panoff, En noir et en blanc, nouvelles, L’Harmattan (en Papouasie), J. Mondolini, qui fut auteur de science-fiction, Polichinelles dans les terroirs et autres nouvelles, Ed. de l’Aube (l’Auvergne)
- le quotidien actualisé trouve ses meilleures illustrations dans ces titres : Sortons couverts, huit écrivains racontent le préservatif, Librio n°290 (dont F. H. Fajardie, V. Ravalec, Pollutions, histoire d’environnement, nouvelles, est un sujet d’inspiration constant pour plusieurs : J. Leroy, Une si douce apocalypse, nouvelles et La Grâce efficace, nouvelles, Les Belles Lettres, V. Ravalec, Treize contes étranges, Le Dilettante, M. Villard, Made in Taïwan, nouvelles, Rivages Noir – à la différence du quotidien social toujours en retrait : B. H. Broohm, Banlieues blues, nouvelles, Ed. des Ecrivains, A. Kedros, Entre chiens et loups, nouvelles, Ed .J. Losfeld, R. Mazoyer, Chemins de solitude, H. B. Ed.
- toujours le quotidien sentimental (Ch. Juliet,Attente en automne, nouvelles, P. O. L) plutôt que le singulier, qui présente pourtant des textes de qualité : E. Faye, Les Lumières fossiles et autres récits, J. L. Moreau, Puisqu’il y a des jours meilleurs, nouvelles, Fayard, H. Haddad, Mirabilia, nouvelles, Fayard, V. Engel, La Guerre est quotidienne, nouvelles, Louvain, Quorum et surtout le recueil de Le Clézio
- le retour du fantastique traditionnel, annoncé l’année précédente, se voit confirmé avec des 2 titres de J. P. Andrevon : Le Petit garçon qui voulait être mort, nouvelles, Les Belles Lettres, Les Crocs de l’enfance, nouvelles, Denoël, ces autres : O. Delau, Autres réalités, dix visages du fantastique, nouvelles, P. Stolze, a Maison Usher ne chutera plus, nouvelles, Denoël
- et toujours un fantastique insolite ou allégorique : Edwige, La Cité des gargouilles, nouvelles, J. Monnier, Le Voyage à Khartoum, contes, E. Panlevé, Contes de la lumière et de l’étoile, Ed. des Ecrivains
- en 1999, la surprise vient de la science-fiction qui, après tant d’années de disette, opère un retour spectaculaire avec 8 collectifs, et leur cohorte de jeunes auteurs : Musées des mondes imaginaires, nouvelles, Denoël, Escales 2000, douze récits de science-fiction, Fleuve Noir, Forces obscures, nouvelles Ed. Autrement, avec des « anciens » des années 70 que l’on remet à l’honneur avec des florilèges : S. Brussolo, Soleil de soufre et autres nouvelles, Librio n°291, A. Dorémieux, Tableaux du délire, nouvelles, posthume, Denoël, ou qui se replacent : D. Walther, Les Mandibules et les dents, nouvelles, Les Belles Lettres – seul bémol : la marginalisation, sauf l’exception Denoël, des éditeurs, – avec ces deux innovations ; l’apparition, sous l’influence anglo-saxonne, d’une nouvelle de Héroic Fantasy : Jour de l’an 1000, Nestvegnen, et d’une nouvelle « steampunk » (=en quoi le passé aurait pu être différent si le futur était arrivé plus tôt) : Futurs antérieurs : 15 récits de littérature steampunk, Fleuve Noir
- la nouvelle policière, sauf quelques exceptions (J. B. Baronian, Parmi tant d’autres crimes, nouvelles, Les Belles Lettres), semble ne plus trouver refuge que dans des collectifs : 7 (Délires en noir, Le Masque, Les Crimes de la rue Jacob, nouvelles, Seuil, Contes noirs de fin de siècles, nouvelles)
- la nouvelle érotique, peu représentée, s’enlise dans les clichés prônés par les maisons d’édition Blanche et La Musardine : Contes érotiques de l’an 2000, Désirs de femmes avec une exception où règne la fantaisie littéraire : Tiens, on dirait du Pouchkine, nouvelles, Ed. Blanche, de R. Pival (où les protagonistes se nomment Duras, Sartre, Stendhal, Flaubert…)
- le rire se déploie – avec bonheur – chez G. Kolebka, Retour aux villas sans soucis, H. Le Tellier, Quelques mousquetaires et autres nouvelles, Le Castor Astral, R. Lalonde, Des nouvelles d’amis très chers, nouvelles, Montréal, Boréal (la fantaisie littéraire avec Giono, Maupassant, Tchekov, Fiztgerald…), G. Millet, Les Miniatures, Editinter (l’humour noir), R. Jean, La Leçon d’écriture, nouvelles, Ed. de l’Aube (la caricature)
4. Qui sont ces nouvellistes de l’année 1999 ?
- des nouvellistes par tempérament : J. P. Andrevon, O. Delau, A. Demouzon, F. H. Fajardie, C. Fleishman, Th. Gunzig, H. Haddad, R. Jean, G. Kolebka, G. M. J. Le Clézio, M. Villard, D. Walther
- des nouvellistes qui confirment : V. Engel, D. Mainard
- des nouveaux noms : H. Fr. Blanc, M. Castaignède, R. Dalla Rosa, D. L. Colaux, E. Faye, J. Leroy, R. Mazoyer, J. L. Moreau
- des noms connus qui se mettent à la nouvelle : le Suisse E. Bariller, Fr. Beigbeder, G. Delteil, M. Mohrt, P. Raynal
- des nouvellistes qui se mettent à réécrire : F. T. Fortune, H. Le Tellier, J. Mondolini, M. Trogoff
- du point de vue de l’édition, une bonne vingtaine de titres paraissent chez les « grands », dont 6 chez Gallimard, 5 chez Denoël, 2 au Seuil, chez Fayard, Laffont, L’Age d’Homme, mais 1 chez Grasset – 102 titres ont paru chez des petits éditeurs, dont 8 aux Ed. des Ecrivains, 5 chez Editinter, à L’Harmattan, 4 aux Ed. du Rocher, 3 chez HB Ed.
Remarque : A. Gavalada et sa première œuvre, Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part (Le Dilettante), représente un cas curieux, qui bouscule tout des idées reçues quant à l’existence commerciale d’un recueil de nouvelles. Ce recueil du quotidien particulier de plusieurs femmes, qui se caractérise par le ton enjoué en rupture avec la gravité du sujet, qui n’est pas sûrement supérieur à la moyenne des recueils publiés depuis des années, est devenu pourtant en peu de temps, un succès en librairie : de septembre 1999 à février 2000 : plus de 50.000 exemplaires vendus, parution en Poche, au Grand Livre du Mois. Alors qu’on dit les Français réfractaires au bref, au fragment pour parler moderne (je ne prononce pas sciemment le mot de nouvelle), cet engouement est tout à fait inexplicable…Si les voix du public pouvaient être ainsi plus souvent impénétrables !
5. La vie de la nouvelle en 1998, c’est encore :
- des collectifs (28), dont 9 concours de nouvelles
- des florilèges : J. de La Varende, L’Indifférent, nouvellesEd. du Rocher (posthume), J. Vautrin, Histoires déglinguées
- des rééditions : D. Boulanger, Nouvelles, Gallimard (les quatre premiers recueils : 1963, 1964, 1966, 1969), O. Chung, Nouvelles orientales et désorientées, Le Serpent à plumes (1994), S. Corinna Bille, Le Salon ovale, nouvelles et contes baroques, Ed. Empreintes (1976), G. Deblander, Le Retour des chasseurs, nouvelles, Bruxelles, Labor (1970), M. P. Dewarrat, L’Eté sauvage et autres nouvelles, L’Aire (1985), M. de Ghelderode, La Halte catholique, Bruxelles (1922), C. Lamarche, J’ai cent ans, nouvelles, Le Serpent à plumes (1996), R. Mimouni, La Ceinture de l’ogresse, roman, Stock (1990), G. Prévot, Contes de la mer du Nord 2, Fleuve Noir (1975), Ph. Shweizer, Boomerang, nouvelles noires, R. Ed.(1989)
- des publications posthumes : R. Desnos, Les Jours de noce, nouvelles, Le Temps des cerises, L. Guilloux, Vingt ans ma belle âge, nouvelles, Gallimard, P. Manchette, Cache ta joie et autres textes, Rivages Noir, G. Sire, Le Papillon de mort, HB Ed., H. Vincent, Nouvelles ironiques, nouvelles inédites, A. Carrière
- des revues : XYZ (4 n°), L’Encrier renversé (2), Brèves (2), Harfang (2, dont le 15 : Nouvelle francophone)
- comme en 1998, l’été voit dans la presse la parution de nouvelles : Libération (le polar), Le Monde, L’Evénement du jeudi (la science-fiction), Elle, Ouest-France
- un ouvrage critique : G. O. Midiohouan, La Nouvelle d’expression française en Afrique Noire. Formes brèves, L’Harmattan
- ces disparitions : D. Anzieu, R. Dumay, Y. Martin, G. Musy, D. Oster, J. Pierre, N. Sarraute
6. Coups de cœur :
- H. Fr. Blanc, Le Dernier survivant de Quatorze, nouvelle, Ed. du Rocher (1)
- D. L. Colaux, Schlass, nouvelles, Bruxelles, Les Eperonniers (9)
- A. Dorémieux, Tableaux du délire, nouvelles, Denoël (12)
- R. Jean, La Leçon d’écriture, nouvelles, Ed. de l’Aube (5)
- J. M. G. Le Clézio, Hasard suivi de Angoli Mala, romans, Gallimard (2)
- V. Ravalec, Treize contes étranges, Le Dilettante (13)