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Du XVIIe au XXe siècle

1. Trésor de la nouvelle de la littérature française XVII°-XIX° siècles, choix et notes de C. Meyer, Paris, Les Belles Lettres, 1997, 236p. et 242p.

Ce coffret de deux volumes regroupe dix-huit textes dont quatorze du XIX° siècle. Ce choix donne le ton : ce sont les noms d’auteurs connus, étudiés, commentés jusqu’à saturation, qui ont d’abord été privilégiés. Choisir ainsi les inévitables La Fontaine, Voltaire et Diderot, accessoirement Scarron, ne rend absolument pas compte de la réalité de la nouvelle aux XVII° et XVIII° siècles (qu’on se reporte plutôt aux volumes des Nouvelles française du XVIII° siècle, parus en Livre de poche (« Bibliothèque classique », 705 et 709) en 1994, aux Nouvelles du XVII° siècle paru dans La Pléiade en 1997). En ce qui concerne le XIX° siècle, aux côtés des grands noms de la nouvelle de l’âge d’or du genre, Balzac, Barbey d’Aurevilly, Flaubert, Gobineau, Maupassant, Mérimée, Schwob, Villiers de l’Isle-Adam et Zola, l’on découvre curieusement…Verlaine et Laforgue, qui ne sont pas, le moins qu’on puisse dire des nouvellistes par tempérament comme le sont A.Dumas, Nodier, A .France, J. Richepin et bien d’autres encore. Dommage. D’autant que le propos qui a présidé à ce trésor (quelle belle formule) n’est pas explicité.

2. Les Meilleures nouvelles des Pays de Loire, présentées par Joël Glaziou, Nantes-Laval, Siloë, 1997, 3 vol, 174p, 174p., 158p.

Dans le prolongement du colloque L’Ouest dans la nouvelle. La Nouvelle dans l’Ouest (Université d’Angers, 26-27 septembre 1997), paraît, à l’initiative de Joël Glaziou, directeur de la revue Harfang, la revue de la nouvelle, et co-organisateur du colloque, une anthologie de vingt et un textes (I : 4 ; II : 9 ; III : 8), signés de quinze auteurs des XIX° et XX° siècles, nés dans l’Ouest de la France qui s’en sont inspirés . Certains sont célèbres ou connus : Balzac (Un drame au bord de la mer), A. Dumas (Blanche de Beaulieu), Zola (Les Coquillages de M.Chabre), M. Schneider (Le Cœur mystère), H. Bazin (Pour une nouvelle arche de Noé). D’autres, oubliés, n’ont jamais eu les honneurs d’une réédition moderne : Th. Pavie, S. Le Royer de Chantepie, Ch. Foley, M. Alanic, P. Pionis, et ce P. Laurendeau, l’inventeur de la « nouvelle postale », etc. Deux noms sont cités sans texte parce que leurs nouvelles, souvent longues, sont déjà régulièrement réédités : P. Morand avec Milady (Saumur et le Cadre Noir) et Parfaite de Saligny (la Terreur à Nantes), A.Pieyre de Mandiargues avec Le – fameux – Passage Pommeraye à Nantes. Redéfile là non seulement tout le patrimoine culturel d’une région, mais aussi tout un pan de l’histoire de la nouvelle : nouvelle historique, nouvelle du terroir, nouvelle sentimentale au XIX° siècle, etc., nouvelle fantastique, nouvelle sociale, nouvelle du quotidien, « nouvelle-fable écologique » (tome III, p.6), etc. Une – belle – anthologie à verser au dossier de la défense et de l’illustration d’un genre.

3. La Nouvelle de langue française aux frontières des autres genres du Moyen Age à nos jours, sous la direction de V. Engel, M. Guissard, volume premier, actes du colloque de Metz, juin 1996, Louvain, Quorum, 1997, 411p.

Ce premier volet d’un diptyque (le second, les actes du colloque de Louvain-la-Neuve, mai 1997, est en cours d’impression) comprend trente-cinq articles, encadrés par un exposé -théorique -inaugural de K. Varga (Le Temps de la nouvelle) et un exposé – historique – de clôture de l’auteur de ce compte rendu (Fortune/infortunes, permanence/avatars d’un genre : la nouvelle française du XV° siècle aux années 1990). Le grand enseignement à retirer de ces incursions synchroniques ou diachroniques à travers les siècles est le suivant : comme en témoignent les auteurs ou les œuvres, il y a bien eu, et il y a encore, histoire (et même une proto histoire au moyen âge) d’un genre narratif, bref, spécifique et multiforme, – ce que contestent si imprudemment, au nom de concepts forgés en dehors de la réalité des textes, certains exégètes actuels de la nouvelle. Une histoire qui ne se ramène pas aux sempiternelles périodes fastes que furent les XV° et XVI° siècles, mais qui existe bien au XVII° siècle (sur laquelle les dixseptiémistes se penchent de plus en plus) et au XX° siècle : La Nouvelle au XVII° ou la vérité de la fiction de C. Noille-Clauzade, La Nouvelle française au XX° siècle aux frontières des autres genres : roman ? conte, essai de C.Camero Perez, Ecriture de la nouvelle et écriture journalistique de M. Lits, Faits divers et nouvelles de J. Glaziou, Les Romans pleins de ces nouvelles-là : ce que la nouvelle nous dit du roman de V. Engel. Une histoire avec des auteurs majeurs, qu’ils soient nouvellistes à part entière ou nouvellistes occasionnels : Les Trois contes de Flaubert ou le conte absent de G. Jacques, La Tentation poétique des premières nouvelles de P. Morand de C. Douzou, Marcel Béalu ou les frontières entre conte, nouvelle et poème en prose de M. Guissard, Nouvelles et textes brefs de Le Clézio : vers une écriture du silence de J.Ph. Imbert… Une histoire qui n’est pas uniquement française, mais québécoise (une communication : Le Genre narratif bref québécois de 1860 à 1960 de M. Lord), africaine (deux communications, dont La Disqualification de la nouvelle de l’arsenal littéraire africain de P. Bekolo) Et dès lors d’attendre la parution du second volet avec ces études consacrées à Maupassant, Villiers de l’Isle-Adam, à M.Arland, M.Aymé, M. Yourcenar…, à la nouvelle fantastique, policière, au recueil de nouvelles…, à la nouvelle et le cinéma, etc., etc.

4. Andrès, Philippe, La Nouvelle, Paris, Ed. Marketing, 1998, 118p. « Ellipses »

Le principal intérêt de cet essai destiné à des étudiants (le cinquième en l’espace de cinq ans écrit pour l’université française !) est de proposer, en guise d’illustration à une réflexion théorique, sommaire mais assez pertinente, toute une série d’extraits de textes signés d’auteurs peu utilisés généralement dans pareille étude : Mme de Villedieu et Mme de Gomez pour les XVII° et XVIII° siècles, A. Dumas et Th. Banville pour le XIX° siècle, A. Pieyre de Mandiargues et E. Holder pour le XX° siècle.

5. Souillier, Didier, La Nouvelle en Europe – de Boccace à Sade, Paris, PUF, 2004, 324p.

Cette étude de littérature comparée se propose – et y réussit parce que fondée sur une connaissance approfondie des textes, qu’on a voulu le plus nombreux possible – de replacer la nouvelle française de ses origines à la fin du XVIII° siècle dans le cadre plus large de la nouvelle européenne (l’italienne, l’espagnole) – il est bien que soit tenu pour un point d’aboutissement le nouvelliste Sade avec son recueil. Les Crimes de l’amour, nouvelles héroïques et tragiques (d’où l’étiquette terminologique se voit toujours gommée dans les titres des rééditions en collection de Poche). L’étude (un index des noms aurait été le bien venu) s’articule autour de cinq parties : Esquisse d’une histoire de la nouvelle : des origines au XVIII° siècle(avec cette association qu’on appréciera ou pas : « la nouvelle farciesque »), La Veine naturaliste et le faux problème du réalisme, La Nouvelle et l’idéalisme platonisant, La Nouvelle : une littérature pour les femmes, pour une poétique (provisoire) de la nouvelle : naissance et affirmation d’une forme narrative.

L’historien de la nouvelle française que je suis ne peut s’empêcher de marquer sa surprise devant :

– l’absence incompréhensible de référence aux Cent Nouvelles Nouvelles (cité une fois p.201) : alors qu’il s’agit du premier recueil français !
– l’absence incompréhensible de référence à Florian, auteur de deux recueils (Six nouvelles, 1784, Nouvelles, 1792), tout aussi importants que celui de Sade.
– le fait d’envisager La Princesse de Clèves non comme une nouvelle (ce qu’elle est au XVII° siècle) mais comme un roman.
– le fait de mettre en avant le nom de femmes écrivains au détriment des Baculard d’Arnaud, Marmontel, Florian (ces deux auteurs tenus pour des modèles durant toute la première moitié du XIX° siècle), voire Cazotte, les auteurs à succès de la fin du XVIII° siècle.
– cette affirmation (« Dès lors, la fiction d’un cadre n’est plus nécessaire. », p.82) que va contredire l’histoire de la nouvelle tout au long du XIX° siècle.

Avec l’idée que la nouvelle vit en marge des autres genres (sans souci de s’inscrire dans la réalité d’une époque, écrite par des femmes pour un public féminin – ce qui ne sera plus le cas, il faut le dire, au XIX° siècle), D. Souillier en vient à ces deux pages de conclusion (A suivre…), où s’inspirant d’une déclaration de Cervantès en réponse à une question sur « qu’est-ce que la nouvelle ? » ( « Pour ainsi dire rien »), il édicte : « Rien, car la nouvelle, c’est de la non-littérature. » (p.320) La formule lapidaire peut/doit susciter, on l’avouera, l’émotion, pour ne pas dire plus.

Publié dansLes parutions sur la nouvelle à partir de 1995