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Le XVIIe siècle

1. Catherine Bernard, Œuvres. Tome I : Romans et nouvelles, textes établis, présentés et annotés par Franco Piva, Fasano , Schena, 1993, 462p. « Biblioteca delle Ricerca, Teste Stranieri 22 »

Les dixseptiémistes doivent se réjouir de la réédition de l’œuvre narrative de Mlle Bernard : Frédéric de Sicile (1680), Les Malheurs de l’amour. Première nouvelle. Eléonor d’Yvrée (1687), Le Comte d’Amboise (1689), Inès de Cordoue, nouvelle espagnole, suivi de l’Histoire d’Abenamar et de Fatima (1696). D’abord parce qu’il s’agit de textes – il n’y en a pas tellement au XVII° siècle – qui méritent de sortir de l’oubli : les aspects « galants » ou « historiques » ou « romanesques », les objets premiers de la plupart des nouvelles du temps, ne sont là que pour servir l’analyse psychologique. Ensuite parce qu’il est intéressant de faire savoir que des textes peuvent soutenir la comparaison avec La Princesse de Clèves, qui n’est absolument pas la seule œuvre à distinguer, analyser, commenter, comme on nous rebat les oreilles depuis des lustres – le tout serait de les lire ! Cette édition, destinées à un public d’étudiants italiens, comporte tout un apparat critique de grande qualité. Un regret : le terme de « roman » dans le titre du volume, alors que ce sont toutes des nouvelles au sens où l’entendait l’époque classique! Il est à espérer que l’entreprise de M. Piva connaîtra un meilleur sort que ma tentative de ressortir, en reprint chez Slatkine, dans les années 80, les deuxième et quatrième titres.

2. Maurice Lever, Romanciers du grand siècle, Paris, Fayard, 1996, 302p.

Cette réédition, plutôt réorganisée que remaniée, du Roman français au XVII° siècle ( Paris, PUF, 1981) témoigne toujours des mêmes qualités : clarté dans le propos, parfaite connaissance de textes, volonté de s’attarder sur des auteurs, des textes qui n’ont pas ou peu retenu l’attention de ses nombreux prédécesseurs en la matière : et M. Lever a raison de continuer à croire que « le roman du XVII° siècle correspond, mieux que peut-être tout autre genre, aux tendances de la critique contemporaine. Au théoricien des formes, il pose de passionnants problèmes de structure narrative. Au spécialiste des mentalités, il offre un extraordinaire catalogue de faits de civilisation, de croyances et de mythes. Au scrutateur de l’inconscient, il donne à déchiffrer, à travers les codes symboliques de la fiction, quantités de symptômes individuels et d’aspirations collective », etc. (p.12) C’est dès lors presque à regret que je vais à nouveau passer pour un Aristarque en adressant à M. Lever trois grands reproches.

Le premier concerne l’analyse des œuvres : pourquoi continuer à accorder aussi peu de place aux textes de Mlle Bernard, qui ne parviennent pas décidément à sortir de l’ombre de Mme de Lafayette, alors que leur intérêt majeur, leur qualité littéraire sont maintenant reconnus ? – dans un même ordre d’idées, je ne devrais pas être le seul à estimer que les noms de Le Noble ou de Préchac ont été trop négligés… ; pourquoi continuer à croire à la clé de Victor Cousin pour les romans de Mlle de Scudéry, alors qu’il ne s’agit que d’une supercherie ? De l’impossibilité de bousculer les idées reçues…Le deuxième concerne l’information bibliographique : hélas ! elle n’a pas, ou si peu, été mise à jour. Aucune mention de ces travaux récents, dont on aurait pu tirer profit : de Fr. Gevrey (sur Préchac en 1993), de Fr. Piva (sur Mlle Bernard en 1991 et en 1993), de Guichemerre (sur Segrais en 1992), de Ph. Hourcade (sur Le Noble en 1991), de S. Poli (sur l’histoire tragique en 1991) ; aucun mention non plus de ces éditions en poche : Histoires tragiques de Rosset (A. de Vaucher Gravili en 1994, Livre de Poche), Dom Carlos ou autres nouvelles françaises du XVII° siècles (R. Guichemerre en 1995, Folio n°2714).

Le troisième concerne le propos même : en faisant des auteurs de fictions narratives du XVII° siècle des romanciers (le titre de l’ouvrage est on ne peut plus clair), même s’il prend en compte les nouvelles de l’un ou l’autre, M. Lever trahit la réalité des textes, puisque les déclarations d’auteurs, la composition des oeuvres elles-mêmes, les discours « théoriques », etc., attestent que la nouvelle en tant que genre littéraire a son existence propre à partir des années 1656-1660, mieux même a éliminé de la scène littéraire le roman. L’histoire du genre narratif au XVII° siècle c’est une histoire du roman et une histoire de la nouvelle. Tout se passe comme si certains ne pouvaient imaginer, se fondant sur une conception actuelle de la nouvelle, que celle-ci, à un moment, ait pris un autre visage ! Pourtant, dans sa première édition, M.Lever avait bien distingué les deux histoires, avec ces deux chapitres : Du roman à la nouvelle, p.171-199, L’Age d’or du « petit roman », p.2011-219. De l’impossibilité – encore et toujours – de bousculer les idées reçues ! Ce que dénonçait déjà, en 1989, E. Henein, dans un article fondamental (« L’Age ingrat de la nouvelle », dans Papers on French Seventeeenth-Century Literature, n°34, p.114) : « Le mot de nouvelle recèle encore un autre piège que bien des critiques ont décrit avec précision. Le mot change de signification au fil des ans et mérite d’être traité de « syntagme idiomatique ». Le contexte historique en modifie le sens. Faut-il rappeler que La Princesse de Clèves est une nouvelle au XVII° siècle et un roman de nos jours ? Faut-il citer ce titre paradoxal choisi en 1669 par Mme de Villedieu : Cléonice ou le roman galant, nouvelle ? La nouvelle serait-elle la tour de Babel des « dix-septiémistes » ? Quand nous séparons la théorie de la pratique de la nouvelle, nous imposons trop souvent aux textes une grille de lecture faussée par les diverses acceptions données au mot « nouvelle ».

3. Nouvelles du XVII° siècle, édition publiée sous la direction de Raymond Picard et de Jean Lafond, assistés de Jacques Chupeau, avec la collaboration de Micheline Cuénin, Jean Lombard, Lucie Picard et Monique Vincent, Paris, Gallimard, 1997, 1810p. « Bibliothèque de la Pléiade »

Après, ces derniers temps, des éditions critiques de recueils de nouvelles du XVII° siècle (Segrais, 1990 et 1991, Préchac, 1993, Rosset, 1994), une anthologie de huit nouvelles (Dom Carlos et autres nouvelles françaises du XVII° siècle (éd. par R. Guichemerre, 1995), voici un autre ensemble, cette fois de 45 textes. La consécration pour une période de l’histoire de la nouvelle française qui a toujours été ignorée, de manière incompréhensible, par les historiens de la littérature. La reconnaissance aussi. Car voilà qui offre le meilleur, pour ne pas dire le plus cinglant, démenti à tous ceux qui, en cette fin de XX° siècle, contestent la notion de genre de la nouvelle, et tout à la fois celle de l’histoire du genre. Eh oui, il faut se faire une raison : la nouvelle n’est pas née au XIX° siècle comme on s’obstine à le croire. Avec ce volume de la Pléiade (un autre est annoncé, par H. Coulet, pour la nouvelle du XVIII° siècle : la consécration toujours !), la nouvelle du XVII° siècle entre définitivement dans le domaine commercial.

Le volume, dont l’initiative revint dans les années 70 au défunt Raymond Picard, comporte deux volets.Le premier, ce sont les textes de du Souhait (1612) à Le Noble (1697), avec des noms attendus (J.P.Camus, Sorel, Segrais, Mme de Lafayette, Donneau de Visé, Saint-Réal…), avec d’autres qui le sont moins (Bassompierre, Fléchier, Courtilz de Sandras, Saint-Evremond…), avec encore ces cinq exemples de récits brefs tirés du Mercure galant. Deux (petits) regrets : l’absence d’une nouvelle de Mlle de Scudéry (il aurait été intéressant de montrer en quoi une romancière célèbre est devenue une nouvelliste à la fin de sa carrière) et l’absence de l’Histoire des amours de Cléante et de Bélise (1691) de Mme Ferrand, une histoire d’amour qui ne s’inscrit dans aucun canevas romanesque traditionnel. Une réserve (habituelle de ma part) : je ne suis pas toujours convaincu de la nécessité d’inclure dans une histoire de la nouvelle au XVII° siècle les textes de Scarron.Le deuxième volet, les appendices, comporte une série de 36 historiette en vers, et La Nouvelle au miroir de la critique, qui rassemble vingt textes attestant de belle manière que la réflexion « théorique » sur la nouvelle était déjà le fait des auteurs du XVII° siècle. Doit-on dire que cette anthologie a bénéficié pour la présentation historique et l’apparat critique de quelques-uns des meilleurs spécialistes actuels du XVII° siècle romanesque.

4. Anthologie des nouvelles du Mercure Galant, 1672-1710, texte établi, présenté et annoté par Monique Vincent, Paris, « Société des Textes Français Modernes », 1996, 446p

Le Mercure Galant, périodique fondé en 1672 par Jean Donneau de Visé, qui deviendra en 1724 le Mercure de France, comporte parmi des informations de tous genres sur la guerre, la politique, la vie mondaine, culturelle, etc., une série de récits désignés par « histoire » ou « historiette », dont les auteurs sont restés anonymes (Donneau de Visé, auteur de plusieurs recueils d’histoires similaires, devait en être ; la participation de Fontenelle est maintenant reconnue), et qui rapportent des aventures vécues par des nobles, des bourgeois, aventures sentimentales, romanesques, réalistes aussi, parfois plaisantes, parfois graves. Monique Vincent en publie quarante-trois. Les textes sont rangés sous six rubriques : « Anecdotes et descriptions », « La Galanterie », « A. Galanterie et vie mondaine », « B. Galanterie et vie conjugale », « Le Roman », « Etudes psychologiques », « Evénements contemporains, « Prose et vers ». Que, pour les dixseptiémistes actuels, ces textes brefs, ramassés, de quelques pages, préfigurent une conception moderne de la nouvelle et soient par conséquent désignés par « nouvelle » n’est possible cependant qu’a posteriori : au XVII° siècle, ces textes, comme les « histoires tragiques » du début du siècle, ne sont jamais associés à l’idée du genre puisque seule prime, tant pour les auteurs que pour les théoriciens de l’époque, une conception du genre, celle d’un texte long, détaillé, qui couvre plusieurs centaines de pages format du temps. Faire de cette dernière une forme de roman bref par opposition tendrait à faire croire que la « nouvelle » du Mercure Galant représente la nouvelle du XVII° siècle, ce qui est un contre-sens historique. Nième preuve de l’ambiguïté terminologique, qui sera toujours le fait du genre. Mais d’un autre côté que ces « histoires » du Mercure Galant se lisent toujours avec intérêt et plaisir, contrairement à la grande majorité des « nouvelles » qui leur sont contemporaines, démontrerait par l’absurde l’inanité de la voie choisie par les « nouvellistes » du XVII° siècle.

5. Defrance, Anne, Les Contes de fées et les nouvelles de Madame d’Aulnoy (1690-1698). L’imaginaire féminin à rebours de la tradition, Genève, Droz, 1998, 311p.

Heureux genre que le conte de fées au XVII° siècle qui a toujours eu ses historiens et ses exégètes ! Heureuse Mme d’Aulnoy, dont on continue à rééditer les œuvres ! (Ce fut bien elle, avant Perrault, contrairement à ce que l’on avance toujours, qui lança la mode des contes de fées). L’originalité, et par conséquent l’intérêt, de la démarche d’Anne Defrance , par rapport à ses prédécesseurs, a été de replacer les contes dans leur encadrement d’origine : la plupart des contes se trouvent en effet intercalés dans l’intrigue de nouvelles galantes ou romanesques comme on en écrit depuis 1656 : Histoire d’Hypolite, comte de Duglas (1690), Dom Gabriel Ponce de Leon, nouvelle espagnole (Contes de fées, 1697, tome II), Dom Fernand de Tolède, nouvelle espagnole (ibid., tome IV), Le Nouveau gentilhomme bourgeois (Contes nouveaux ou les fées à la mode, 1698, tomes II, III et IV). Et ce sont précisément la mise en place des cadres de départ, les conversations ou les réflexions des personnages réunis, les interactions des sujets de récits codés aussi distincts entre eux, qui donnent l’occasion de mettre en cause les valeurs et les mœurs d’une société : « A différents niveaux, esthétique et idéologique, Mme d’Aulnoy démontre les capacités de subversion que recèlent les contes de fées. Leur inclusion dans des nouvelles révèle qu’ils peuvent être un excellent moyen de pouvoir, un dérivatif commode, pour satisfaire les désirs les moins innocents ; sous le masque du merveilleux, du puéril et du léger, bien des choses trouvent un exutoire et peuvent se dire impunément . » (p.330) Valeurs et moeurs dénoncées de la sorte qui apparaissent d’autant mieux quand est abordée l’étude des personnages (le père, la mère…), de la mythologie, (mythologie et idéologie, l’embrayage mythologique …), des fantasmes (la pulsion orale, le fantasme homosexuel..).

6. Keller, Edwige, Poétique de la mort dans la nouvelle classique (1660-1680), Paris, Champion, 1999, 544p.

Depuis quelque temps, l’étude de la nouvelle du XVII°siècle, dont l’histoire du genre est à présent attestée, a franchi un cap en ne se bornant plus à l’examen de problèmes terminologiques, génériques, etc. (On peut penser qu’il en sera ainsi, mais dans combien de temps ?, pour les XIX° et XX° siècles). L’ouvrage de Edwige Keller prouve ainsi, quand on se tient à de grands thèmes, que le corpus de 107 nouvelles écrites pendant la seule période 1660-1680 (Il y a encore la période 1680-1700 !) est aussi riche d’enseignements que l’ensemble des œuvres reconnues du siècle classique, car le thème de la mort ne se réduit pas à un usage romanesque mais revêt une signification particulière : « Tout en affectant de ne pas le faire, les romanciers [Toujours, chez les dixseptiémistes, cette hésitation entre « romancier » et « nouvelliste » alors qu’il s’agit de textes nantis de l’étiquette de « nouvelle » !] décrivent la mort, mais avec une pudeur d’écriture qui gomme ce qu’il y a de choquant et de particulier. Conforme aux bienséances, celle-ci se fige dans le modèle de la belle mort, discrète et pathétique ; son pouvoir rhétorique s’accroît et lui permet de rivaliser avec le paradigme de la mort théâtrale. L’approche symbolique conduit à son terme la rupture avec le roman des deux premiers tiers du XVII° siècle. Dans une approche consensuelle, les plus grands écrivains renvoient de leur temps une image pleine de désillusions, fortement imprégnée de pessimisme. De ce renversement idéologique résulte une modification des contenus romanesques. (p.433-434) On tirera encore grand profit des neuf annexes : « Statistiques des morts », « Morts recensées par oeuvre du corpus », « Statut actantiel des morts », « Modalités narratives de la scène d’agonie », « Lexique du buste », « Lexique des sens », « L’adjectif ’mortel’ chez Mme de Lafayette », « Récit/discours dans la scène d’agonie », « Vitesse du récit ».

7. Grande, Nathalie, Stratégies de romancières. De Clélie à La Princesse de Clèves (1654-1678), Paris, Champion, 1999, 512p.

A partir d’un corpus de trente et une œuvres, en particulier celles de Mlle de Scudéry, de Mlle de La Roche-Guilhen, de Mme de Villedieu et de Mme de Lafayette (on en trouvera en annexe les résumés : l’initiative est heureuse), Nathalie Grande se propose, en s’inspirant d’une méthode de sociopoétique inspirée des travaux de A. Viala, un double objectif : examiner chez les « romancières » (certains dixseptiémistes ne se feront donc jamais à l’idée d’écrire « nouvellistes » !) la représentation de la femme (« Les Héroïnes des romancières », « Refuser l’amour »), faire apparaître la spécificité de la condition de la femme-auteur (« Conquérir le nom d’auteur : les trois types de carrière = les « occasionnelles », les « amatrices », les « professionnelles » ; « Signer et publier »). Tout ceci pour étudier l’apparition d’un nouveau statut, celui de la « romancière » : « Ces nouveaux modes d’écriture correspondent à des stratégies nouvelles de carrière. Ne pouvant attendre de reconnaissance officielle de quiconque, les romancières ont su utilisé [sic] la ductilité du genre romanesque pour susciter comme lecteur un public large, qu’aucun autre genre ne pouvait atteindre. Contraintes par de usages défavorables à fonder leur légitimité sur leur succès , elles inaugurèrent un nouveau rapport de l’auteur, du livre et du public. » (p.411) L’intérêt d’un tel ouvrage, important, est encore de ne plus isoler les œuvres de Mme de Lafayette (on leur a donné une aura excessive) mais au contraire de les replacer dans leur contexte romanesque historique. Le seul (petit ) reproche que je ferai c’est d’avoir trop arbitrairement délimité une période : car pourquoi avoir écarté Le Grand Cyrus (1650-1653) et surtout les œuvre de Mlle Bernard (qui écrit dès 1680) ?

8. Nouvelles françaises du XVII° siècle, anthologie rassemblée et présentée par Frédéric Charbonneau et Réal Ouellet, Québec, L’Instant Même, 2000, 300p.

Décidément, la nouvelle des années 1600-17000 devient une réalité éditoriale (alors que les histoires de la littérature continuent à l’ignorer). Après les anthologies en « Folio » (1995), à la Société des Textes Française Modernes (1996), aux Belles-Lettres (1997), dans la « Bibliothèque de la Pléiade » (1997), en voici une qui vient du Québec, publiée dans la collection de poche d’un éditeur qui a toujours mis la nouvelle au premier plan. Par rapport aux florilèges de Folio et de la Pléiade, celle-ci présente un tout autre visage de la nouvelle au XVII° siècle parce que le parti-pris des anthologistes a été de ne retenir que des textes brefs. Dans ce sens, il est bien que la première moitié du siècle ait été privilégiée, avec tout un choix de textes qui fonctionnent déjà sur le mode de la nouvelle moderne (un sujet, une action, le resserrement narratif…) ; onze textes sur un total de vingt-trois, avec notamment deux textes de Rosset, trois de Camus, dont il n’est plus question de négliger la place dans une histoire de la nouvelle. Par contre, le choix opéré pour la seconde moitié du siècle, qui voit le rayonnement presque absolu de la longue nouvelle historico-galante (des sujets, des actions, pas de resserrement narratif…), me paraît moins satisfaisant. En ce sens que seuls à nouveau n’ont été retenus que les textes brefs de Donneau de Visé, Mmes de Lafayette, de Villedieu, et de Mlle Bernard, et d’autres noms qui n’ont pas leur place dans une histoire de la nouvelle : Fénelon, Perrault… (De l’éternel problème rencontré par tous les anthologistes : partir des noms ou tenir compte des textes sans tenir compte des noms ?). Mais l’historien de la nouvelle chicane : il est bien qu’ait été mis ainsi nettement l’accent sur le cachet de brièveté à une époque, un cachet qu’on ne lui connaît pas encore. Deux initiatives heureuses complètent l’ouvrage : un florilège (essentiel) de textes critiques sur la nouvelle du XVII° siècle et un glossaire.

9. Jean-Pierre Camus, L’Amphithéâtre sanglant, édition critique par Stéphane Perrari, Paris, Champion, 2001, 419p.

Qui sait encore que l’évêque Jean-Pierre Camus (1584-1652) est l’auteur de vingt et un recueils de textes courts, soit près de neuf cents histoires ? Les dixseptiémistes ont beau affirmer son importance, par la pratique de l’histoire tragique, dans l’évolution du genre bref à l’époque classique, les dixhuitiémistes, eux, qu’il doit être considéré comme un grand précurseur du récit noir à la manière d’un Prévost ou d’un Sade, il manque toujours une édition critique d’un de ses recueils. Se voit donc ici réparée une injustice avec cette belle édition savante de L’Amphithéâtre sanglant ou sont representees plusieurs actions tragiques de notre temps (1630, réédition en 1640). Dans une introduction, riche et copieuse (176p. !), S. Ferrari fait le point sur tous les aspects du texte. Reste néanmoins que Camus est un conteur limité en ce sens qu’il se satisfait du seul fait anecdotique brut sans la moindre intention de mise en scène du sujet, préoccupé qu’il est d’abord par un propos de prosélytisme religieux.

10. Madeleine de Scudéry, Mathilde, édition établie et présente par Nathalie Grande, Paris, Champion, 2002, 318p.

Après la réédition de Célinte, nouvelle première (1661) par A. Niderst en 1979, voici celle de la deuxième nouvelle de Mlle de Scudéry (1667) – mon reprint de l’édition originale chez Slatkine en 1979 étant épuisé (je l’apprends). L’œuvre se compose en fait de deux textes distincts : l’un dans la tradition précieuse, Les Jeux, servant de préface à Mathilde, l’autre, une histoire romanesque dans la tradition galante et historique du temps. Dans une introduction judicieuse qui n’étouffe pas le texte, Nathalie Grande dresse un état définitif de tout ce qu’il faut savoir de l’œuvre (Mathilde, une nouvelle politiquement incorrecte ?, Deux textes en un ?, Les rôles de la préface, Une écriture en mutation(1) : entre permanence et renouvellement, Une écriture en mutation (2) : la place de l’histoire, L’intertexte pétrarquiste, Mathilde, une généalogie précieuse, Une moralité antihéroïque). L’on apprendra notamment que si l’œuvre a été retirée de la vente pour réapparaître en 1702 (sous le titre de Mathilde d’Aguilar, histoire galante), puis encore en 1704, 1736, 1756, c’est que dans le second texte elle donnait – l’allusion à Louis XIV était à peine voilée – le premier rôle au frère d’un roi et non à ce dernier, dont le despotisme en outre était clairement dénoncé. Nathalie Grande, qui est une des rares dixseptiémistes à user de « nouvelle » pour désigner les œuvres courtes de l’auteur, a la sagesse, contrairement à la tradition, si irritante, de la critique scudérienne, de ne pas trop vouloir lire l’œuvre comme un texte à clefs. Surtout, elle souligne la prise de conscience chez une romancière qui est devenue nouvelliste de tout ce qui sépare – dans l’état de la fiction romanesque au XVII° siècle – la nouvelle du roman : « L’intérêt des trois nouvelles qu’elle fit paraître après Clélie et avant ses recueils de conversations morales est donc de montrer l’écriture scudérienne en mutation, quittant les territoires épiques du grand roman (territoires qu’elle avait beaucoup transformés pour aller, avec regret parfois, vers une nouvelle forme d’écriture, plus historique et plus brève, une écriture qui se cherche, qui s’interroge, et qui n’hésite pas à montrer au lecteur ses tensions, ses contradictions. » (p.25)

11. Madeleine de Scudéry, La Promenade de Versailles, édition établie et présentée par Marie-Gabrielle Lallemand, Paris, Champion, 2002, 293p.

Il s’agit de la dernière nouvelle de l’auteur parue en 1669 (rééditée en 1671 sous le titre de Célanire), la moins narrative des trois, parce que le récit accorde la première place à la transcription de vers, la relation de divertissements de société, les discours des personnages sur des sujets sentimentaux, la description (au XX° siècle, on publiera ainsi séparément les pages consacrées à Versailles). Si Marie-Gabrielle Lallemand met en avant la portée galante et mondaine de l’œuvre, elle le fait trop au détriment de l’étude de sa place dans une histoire de la nouvelle au XVII° siècle ; or il aurait été intéressant d’analyser en quoi La Promenade de Versailles confirmait ou non l’orientation prise par Mlle de Scudéry avec ses deux premières nouvelles.

12. Letexier, Gérard, Madame de Villedieu (1640-1683), une chroniqueuse aux origines de La Princesse de Clèves, Paris-Caen, Lettres Modernes Minard, 2002, 238p.

L’essentiel du propos de G. Letexier tient dans ces deux passages – volontiers polémiques mais si justes. D’une part : « Voilà une vingtaine d’années que nos universitaires ont exhumé Mme de Villedieu. Fort bien. Mais, est-ce toujours pour de bonnes raisons ? La figure heureusement réhabilitée de cette romancière sinon géniale du moins très estimable n’en est-elle pas sortie quelque peu gauchie par des lectures anachroniques « politiquement correctes » perverties par ce fléau de la pensée actuelle – , quand elle n’est pas victime d’un respect mal compris des chefs-d’œuvre patentés – en l’occurrence La Princesse de Clèves – autre conformisme hérité celui-là du dix-neuvième siècle. » (p.9) D’autre part : « …seul le chef-d’œuvre de Mme de Lafayette semble avoir semblé digne de l’attention réelle des éminents critiques, comme si La Princesse de Clèves, telle Vénus sortant de l’onde, était née de rien. Pourtant, on ne sert pas les chefs-d’œuvre en négligeant leurs antécédents, et accorder à ceux-ci davantage qu’une lecture prévenue et hâtive. » (p.187) Et dès lors de s’attaquer à l’image d’un auteur imposée par une certaine critique, celle d’un féminisme anti-conformiste, d’établir tout ce que La Princesse de Clèves doit au Journal amoureux (la description de la cour), aux Exilés de la cour d’Auguste (la mort de Mme de Chartres), à Cléonice, ou le roman galant, nouvelle (l’épisode de la canne), aux Désordres de l’amour, seconde partie (l’aveu), au Journal amoureux, sixième partie (la scène de l’adieu). Mais en restant prudent : « Autant de similitudes ou de parentés obligent à aller plus loin que la constatation de ressemblances fortuites ou simplement dues à l’existence d’un fonds commun de clichés, de procédés, dans lequel puiseraient les écrivains d’une même époque ; de la part de l’auteur de La Princesse de Clèves l’hypothèse de véritables réminiscences ne saurait être écartée. » (p.204) Tout au long de son étude, G. Letexier tient Mme de Villedieu pour la « théoricienne et la créatrice de la nouvelle classique ». Par là, il se démarque assez d’une tendance actuelle chez les spécialistes de l’auteur (voir Madame de Villedieu romancière, 2004) A l’heure où l’on redécouvre vraiment la production narrative d’une époque, pourquoi faut-il l’interpréter aussi différemment ?

G. Letexier a eu l’amabilité de me citer, car ce « Roger Godenne » est bien l’auteur de ces lignes.

13. Madame de Villedieu romancière. Nouvelles perspectives de recherches. Etudes réunies par Edwige Keller-Rahbé, Presses Universitaires de Lyon, 2004, 300p.

Longtemps, le nom de Mme de Villedieu (1640-1683), qui fut avec Mlle de Scudéry la première femme de lettres à vivre de sa plume, est restée dans l’ombre de Mme de Lafayette – la thèse magistrale de Micheline Cuénin en 1979 dont tout un chacun est encore redevable n’y changea rien. Il aura fallu attendre les années 1990 pour que la critique féministe ( !) américaine entre en scène et élève l’auteur au rang des auteurs majeurs du XVII° siècle. Et de se succéder les études, monographies, articles, éditions critiques, voire traductions en anglais. Sous l’impulsion d’une nouvelle génération de dixseptiémistes, Edwige-Keller Rahbé, Nathalie Grande en tête, la critique française s’est mise à son tour à réhabiliter le nom de Mme de Villedieu – le premier colloque lui consacré vient d’avoir lieu fin 2004. Précédées d’un beau texte de Micheline Cuénin (« Douze ans d’intimité avec Mme de Villedieu »), les onze études du volume (dont sept signées de femmes !) s’articulent principalement autour de ces centres d’intérêt : la diffusion des œuvres (R. Harneit, « Diffusion européenne des œuvres de Mme de Villedieu au siècle de Louis XIV »), leur réception (E. Keller-Rahbé, « La Réception de Mme de Villedieu au XVIII° siècle ou les pièges de la biographie romancée dans la BUR [Bibliothèque universelle des romans, 1775-1789) »), D. Kuizinga, « Madame de Villedieu englished : la traductions en anglais des ouvrages de Madame de Villedieu au XVII° sièle »), le traitement de l’histoire (G.Letexier, « Des nouvelles historiques exemplaires : les Annales galantes »). Et les œuvres peu connues ont été privilégiées : Le Portefeuille (1674) fait l’objet de trois articles, alors que Les Désordres de l’amour (1675), son œuvre la plus étudiée, occupe ici une place secondaire. L’historien de la nouvelle que je suis s’interrogera, assez dépité, sur cette tendance actuelle chez plusieurs dixseptiémistes de faire de Mme de Villedieu une « romancière » alors que la majorité de ses textes sont des nouvelles au sens où l’entendant le siècle. N’est –ce pas à ce titre que trois anthologies récentes du genre lui ont accordé une place de choix (R. Guichemerre, Dom Carlos et autres nouvelles françaises, 1995, le volume de Nouvelles du XVII° siècle dans la Pléiade, 1997, R. Ouellet, Nouvelles françaises du XVII° siècle, 2000) Décidément, l’interprétation du statut de la nouvelle (et du nouvellistes) fera toujours problème. En fait, tout se passe – sans entrer dans un interminable débat – comme s’il n’était pas possible de tenir un « nouvelliste » pour un écrivain majeur.

14. Nouvelles galantes du XVII° siècle, présentation par Marc Escola, Paris, Garnier Flammarion, 2004, 547p.

Ce n’est pas moi qui vais me plaindre de l’apparition d’une cinquième anthologie de nouvelles du XVII° siècle en l’espace d’une décennie ! Sont rassemblés ici les textes suivants : La Princesse de Montpensier et La Comtesse de Tende de Mme de Lafayette, La Duchesse d’Estramène de Du Plaisir, Le Comte d’Amboise, nouvelle galante et Inès de Cordoue, nouvelle galantede Mlle Bernard – avec en appendice : « Saint-Réal et l’histoire : De l’usage de l’histoire (extraits) », « Du Plaisir et la poétique de la nouvelle : Sentimens sur l’histoire. » S’il n’est pas question de contester l’information et la qualité du commentaire de l’anthologiste, ce nouvel opus m’interpelle à plus d’un point : – le titre d’abord : je me demande s’il était vraiment le titre adéquat en raison du choix de l’épithète de « galant », le mot vedette de surcroît, qui risque de ne pas être bien comprise puisqu’elle n’a plus la signification qu’on lui donne à présent. – comme plusieurs dixseptiémistes actuellement, .M.Escola n’envisage pas en fin de compte les textes comme des nouvelles, mais comme des romans : des « nouveaux romans », « des romans nouveaux », des « romans modernes », écrits par des « romanciers ». Comme s’il n’y avait pas une histoire propre de la nouvelle au XVII° siècle, ce que personne ne conteste plus même si la nouvelle n’offre en aucun cas un visage moderne. Les textes sont dès lors replacés dans une histoire du roman, alors qu’ils devraient l’être dans une histoire générale de la nouvelle – le choix des textes enfin : était-il nécessaire de proposer pour la nième fois les deux titres de Mme de Lafayette qu’on trouve partout depuis tant d’années et ce Dom Carlos, déjà repris dans l’anthologie de R. Guichemerre, Folio 1995, et dont Le Livre de poche publie dans le même temps une édition séparée (la sotte concurrence chez les éditeurs !) Tout ceci m’incite à penser que la nouvelle du XVII° siècle, si l’on continue dans cette voie, va bientôt connaître le même sort que la nouvelle du XIX° siècle, représentée presque toujours par les mêmes textes dans les anthologies qui se succèdent, au nom d’une exemplarité qui a été décidée une fois pour toutes par certains et qui ne permet plus, la force du conformisme !, l’ouverture à d’autres textes.

15. Poétiques du roman. Scudéry, Huet, Du Plaisir et autres textes théoriques et critiques du XVII° siècle sur le genre romanesque, édition établie et commentée par Camille Esmein, Paris, Champion, 2004, 943p.

Se trouvent ici rassemblées les multiples manifestations, un bref avertissement, une préface, une lettre, un discours, soit des extraits, soit le texte entier, d’une réflexion sur le genre romanesque au cours d’un siècle. Une défense et illustration qui s’organise peu à peu en une véritable poétique, qui prend naissance dans les années 1660, années non de rupture comme on l’écrit mais de renouvellement. C’est tout le cheminement d’une réflexion (gardons-nous de parler de théorisation : ce serait forcer les faits) dont sont retracées les étapes : Le Roman baroque (1621-1639). Une illustration du genre sur le modèle du roman grec (10 textes) – Le Roman héroïque (1641-1661). Transformation du rôle de l’histoire et renouvellement du genre, stratégie et poétique (12 textes) – Vers une définition du roman. Débat, réflexion générique et reconstitution historique (11 textes) – Le Roman comique et satirique. Un « laboratoire » du genre (3 textes) – « Petit roman » et nouvelle historique (1657-1694). Le Tournant des années 1660 : une poétique renouvelée (12 textes) – Les Débuts de la critique littéraire. Réflexion poétique et générique à partir de romans (10 textes). Avec la part belle accordée à trois textes : la Préfaced’Ibrahim ou l’Illustre Bassa (1641) de Mlle de Scudéry – le Traité de l’origine des romans (1670-1711) de Pierre-Daniel Huet – Sentimens sur les lettres et sur l’histoire avec des scrupules sur le style (1683) de Du Plaisir. Il va de soi que cette somme de documents, enrichie des meilleurs commentaires, va devenir l’instrument de travail essentiel pour toute approche du genre romanesque du XVII° siècle (approche complétée par des Annexes, des Variantes, une Bibliographie exhaustive des textes critiques de 1660 à 1670). Il ne faudrait pas perdre de vue cependant qu’il y a souvent un fossé entre la théorie et la pratique. Une véritable approche de la réalité du roman du XVII° siècle ne peut se faire que si l’on prend en compte aussi les œuvres mêmes.

Je passe sur le fait que l’auteur s’obstine à tenir les romans de Mlle de Scudéry pour des œuvres à clés (p.181, 206) : je renonce définitivement à me battre contre les ailes du moulin aux idées reçues… Par contre, je passerai difficilement sur le fait que soit gommée ici toute idée d’une histoire de la nouvelle au XVII° siècle, parce que le genre (p.16, 18, 539-542) est ravalé à un sous-genre du roman qui ne saurait avoir d’existence propre, de statut en un mot, donc qui ne saurait être pris en considération pour être un sujet de réflexion autonome. Les années 1660 n’ont pas mis à jour le goût des nouvelles (ce que beaucoup pensent à présent – comme c’était déjà l’avis de certains au XVII° siècle, il faut le savoir) mais ont établi une forme nouvelle de roman. Comme si un genre appelé nouvelle n’existait pas ! (Ah ! comme cette association de « nouvelle-petit roman » que j’avais forgée dans les années 1970 aura été mal comprise puisqu’elle a finalement rendu de mauvais services à la nouvelle…) A tel point que dans l’étude de Camille Esmein je me retrouve davantage cité pour mon étude sur les romans de Mlle de Scudéry que pour mon histoire de la nouvelle aux XVII° et XVIII° siècles… Le liseur de nouvelles avoue accuser le coup !

16. Les Nouvelles choisies où se trouvent divers incidents d’Amour et de Fortune, édition critique par Daniele Dalla Valle, Paris, Champion, 2005, 430p.

Ce second recueil de nouvelles au XVII° siècle est la réédition – exemplaire – des Nouvelles françaises, où se trouvent les divers effets de l’Amour et de la Fortune (1623 – œuvre reparue en reprint chez Slatkine en 1972), premier signe de rupture, à l’exemple de la nouvelle espagnole du début du XVII° siècle, avec la « nouvelle-fabliau » de la Renaissance, et qui jette les bases de ce qui deviendra la nouvelle- petit roman de la seconde moitié du siècle. Cette version présente de grandes différences avec la première édition : les cinq titres ont été changés, deux nouveaux ont été ajoutés, les traits de l’esprit libertin ont été édulcorés, le recueil a été placé dans un cadre. L’introduction comporte l’analyse linguistique d’une des nouvelles : L’Heureuse reconnaissance, qui démontre le souci d’hyper correction de l’auteur.

17. Anne de La Roche-Guilhen, Histoires des favorites, contenant ce qui s’est passé de plus remarquable sous plusieurs règnes (1697), édition Els Höhner, Publication de l’Université de Saint-Etienne, 2005, 412p. « La Cité des Dames »

Anne de La Roche-Guilhen (1644-1707) fait partie de ces minores de la fin du XVII° siècle qui ont proprement disparu de la mémoire mais qui ont pratiqué avec constance la nouvelle historique ou la nouvelle galante de la fin du XVII° siècle : pas moins de dix titres, dont Le Grand Scanderberg (1688), des Nouvelles historiques (1692).Les Histoires des favorites est un recueil de dix textes, qui connut une dizaine de rééditions au XVIII° siècle (dont une augmentée en 1703 : non reprise ici), des traductions en anglais, en hollandais et en russe (1703). Si les textes nous projettent pour un temps dans un passé romanesque suranné avec ces titres : Marie de Padille sous Pierre le cruel, roi de Castille, Agnès Soreau sous Charles VII, roi de France, Roxelane sous Soliman II, empereur des Turcs, Livie sous l’empereur Auguste, Mazozie sous plusieurs papes, les textes sont un occasion – la chose, trop rare, mérite d’être soulignée – pour l’«autrice » (selon le vilain mot de Els Höhner), Huguenote et exilée, de se livrer à une critique sociale, religieuse ou politique étonnamment virulente. Le volume est publié dans le cadre d’une collection de poche (prix : 8 euros).

18. Madame de Villedieu, Les Galanteries grenadines, texte établi et annoté par Edwige Keller-Rahbé, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2006, 222p. Collection « Textes et Contre-textes n°6 »

Après avoir publié en 2004 les actes d’un colloque consacré à une des contemporaines les plus prolixes de Mme de Lafayette, Madame de Villedieu (1640-1683), Nouvelles perspectives de recherches, Madame Keller-Rahbé livre ici une réédition modernisée et enrichie de nombreuses annexes, d’un de ses textes les plus célèbres : Les Galanteries grenadines(1673, 2 volumes). Texte qui n’est pas comme on l’a affirmé si longtemps un plagiat de l’Histoire des guerres civiles de Grenade de l’Espagnol Perez de Hita (œuvre écrite en 1606, traduite dès 1608 et réimprimée en 1660) mais une réécriture adaptée à l’idéal de galanterie selon la conception française de l’époque (Ce serait encore une œuvre à clés…). Dommage que le texte n’ait jamais été envisagé comme ce qu’il est dans le contexte narratif de l’époque soit un exemple de nouvelle -petit roman historico–galant et à ce titre replacé dans l’histoire du genre au XVII° siècle.

Publié dansLes parutions sur la nouvelle à partir de 1995