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La réception

La réception de mes textes m’a toujours réservé des surprises.
Et cela ne date pas d’hier : j’ai souvenir de ce compte rendu désastreux (le premier), dans les années 1970, de mon Histoire de la nouvelle française aux XVII° et XVIII° siècles (méthodologiquement tout était faux) – avec cette gêne d’apprendre par la suite que son auteur avait été puni administrativement par Raymond Picard, un des maîtres alors des études sur le XVII° siècle ; j’ai souvenir, dans les années 1990, de ce droit de réponse haineux au sujet d’avis sur certains articles sur le XIX°siècle (il est vrai que je n’avais pas été de main morte en traitant les analyses de « surréalistes » – dont une de l’épouse de l’auteur du droit de réponse !) – le piquant, c’est que nous sommes revus plus tard à un colloque…
Heureusement, les surprises relèvent le plus souvent d’un autre ordre.
Il y en a de bonnes : la satisfaction de voir les étiquettes que j’ai lancées, « nouvelle-petit roman », « nouvelle-instant », être tombées pratiquement dans le domaine public, à tel point que leur concepteur n’est plus nommé – combien de fois ai-je pris connaissance d’historiques de la nouvelle française qui me pillent allègrement sans le dire (Mais, comme un fameux ins-pecteur, célèbre pour son imperméable, j’ai un indice pour confondre ces imposteurs : s’ils parlent de La Princesse de Clèvescomme d’une nouvelle, ce qu’elle était au XVII° siècle, croyez-moi je ne suis pas loin…). Par contre, quelle belle récompense d’être devenu moi-même un sujet d’étude avec cet ouvrage récent de Raphaël Micheli, La « Nouvelle-instant » : un cas limite de narrativité ? (2001).
Il y en a d’amusantes : les réactions sceptiques voire négatives de beaucoup devant ma manière d’appréhender le monde de la nouvelle avec mes commentaires, mes jugements sur tel ou tel nouvelliste, telle ou telle oeuvre, tel ou tel exégète, mes attaques pour être plus net, où je laisse parler mes engouements, mes parti-pris, loin de toutes les conventions et bienséances académiques, etc. etc. Avec cette conséquence – ce qui ne fait plus rire – qu’il m’est arrivé une fois d’être censuré (mais il ne s’agissait pas de nouvelle) (1)
Il y en a d’agaçantes : c’est l’incompréhension de voir qu’on se tient toujours, dans les bibliographies ou études, à mon livre sur la nouvelle française qui date de 1974 alors que j’ai fait une réédition remaniée, notamment en ce qui concerne le XX° siècle, qui est parue depuis 1995 ; c’est le regret de voir que les études ou les articles « théoriques » sur la nouvelle du XX° siècle ne se décident pas prendre en considération autre chose que la nouvelle blanche, avec cette fâcheuse conséquence de tronquer complètement l’histoire du genre à une époque donnée puisque l’on élimine, au nom de quoi ?, la nouvelle policière, la nouvelle fantastique, la nouvelle de science-fiction ; c’est l’étonnement de voir que ces études ou articles encore se focalisent d’abord sur la question du recueil de nouvelles, alors que il ne s’agit là que d’un aspect de la pratique d’un genre.

(1) La première mouture de mon article (« Pour une seconde remise en cause des clés supposées des romans de Mlle de Scudéry » – Littératures classiques. Lectures à clés , printemps 2005, n°54, p.247-255) a été ainsi amputée des réflexions peu amènes que j’adressais à cet ahurissant tripatouillage exercé par certains éminents dix-septiémistes à propos de leurs sources.

Publié dansNouveaux souvenirs d'un liseur de nouvelles