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Les Regrets

Dans la vie d’un liseur de nouvelles, il y a beaucoup d’autres rencontres qui sont restées inachevées. C’est qu’il m’est arrivé, hélas ! souvent, d’avoir manqué un rendez-vous avec tel ou tel dont j’apprécie l’oeuvre.

Il y a ceux qui ont toujours répondu à mes propositions pour les refuser (mais avec courtoisie) : Danièle Sallenave, Roger Grenier, dont je tiens Une Maison place des fêtes pour une des meilleures nouvelles du XXe siècle.

Il y a ceux dont l’attitude au fil des années a changé et guère à mon avantage sans que j’y sois, du moins je le pense, pour quelque chose. Et donc Alain Nadaud, Christiane Baroche, Georges Kolebka de me dédicacer avec une fidèle régularité leurs premiers recueils et puis cesser brutalement tout contact : le premier (invité lui à aussi à Censier), après son unique apparition au Festival de Saint-Quentin en 1987, comme s’il m’en avait voulu de l’avoir poussé à se rendre à une manifestation dont les mondanités ne correspondaient nullement à ses exigences littéraires; la deuxième, dont le carnet d’adresses dans les années 80 me fut fort précieux, a fini, même si elle paraît me revoir avec plaisir, par se détacher, peut-être parce que j’ai toujours refusé d’entrer dans ce cercle, (trop) fermé et qui lui est cher, des invités de Saint-Quentin; le troisième, dont le comportement plutôt déplacé (approché à un Festival, il était prêt à me revoir à Paris, mais ne se manifesta plus) demeure un mystère. (Par contre, je n’éprouve aucun regret du détachement manifesté par Annie Saumont : il est vrai que la lecture de ses textes m’est devenue insupportable).

Il y a ceux qui ont dressé de tels obstacles qu’ils m’ont découragé de poursuivre un commerce entamé de manière prometteuse : Pierette Fleutiaux, qui inventa tous les motifs possibles, du spécieux au vrai, pour ne pas se déplacer à Censier; Paul Fournel, dont je partage l’amour de la compétition sportive (il est le seul nouvelliste que je connaisse à lire L’Équipe), qui n’a jamais consenti à me mettre sur une liste de service de presse des maisons d’édition successives qu’il dirigea; René Depestre, dont je garde en mémoire les truculents récits rapportés, à l’ombre de son invraisemblable chapeau, lors des déjeuners du jury du Prix du Jeune Écrivain à Toulouse, qui, dans le temps où il me refusait un texte pour le collectif Epaud sous le prétexte d’un contrat d’exclusivité avec son éditeur, en publiait un dans une revue de bandes dessinées à grand tirage (il ne pouvait évidemment pas savoir que j’étais bédéraste).

Il y a ceux que je n’ai jamais réussi à contacter, Jacques Perret et Roland Topor en tête – ce dernier, je l’aperçus un soir en débarquant à la Gare du Nord : plein d’affection touchante, il reconduisait à son train un vieil homme, aussi petit que lui; j’aurais dû l’aborder, je ne l’ai pas fait, et il m’a semblé que cela était mieux ainsi.

Et puis enfin, il y aurait pu avoir beaucoup d’autres noms, dont tout compte fait je n’ai pas envie de parler.

Ceux (entre autres) que j’ai approchés : Gloria Alcorta, Philippe Cousin, Pierre Mertens, André Stil, Georges Thinès.

Ceux (entre autres) avec qui j’ai correspondu : Jean-Pierre Andrevon, Jacques Chessex, Gaston Compère, Catherine d’Etchéa, Georges Ferdinandy, Marcel Schneider.

Publié dansSouvenirs d'un liseur de nouvelles