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L’Affaire du Globe

Mon souvenir le plus ahurissant ? Le voici – et j’en garantis l’authenticité.

En février 1990, je fus contacté par Véronique Philiponnat, une journaliste stagiaire au mensuel Le Globe, pour une interview en vue d’un dossier qu’elle préparait sur l’état actuel de la nouvelle . Comme je revenais d’un mois de cours à Montréal et que je comptais me reposer avant de reprendre mes activités à Paris, accord fut pris pour que l’interview se passe, une semaine après, par téléphone de chez moi à Liège.  Une personne charmante (du moins la voix le laissait supposer), polie, attentive, m’interrogea donc pendant plus d’une heure. Et moi de répondre consciencieusement, d’informer, de livrer dates, noms et tendances, bref de jouer mon rôle de souteneur de la nouvelle.  (Il était évident que l’entretien flattait quelque part ma vanité.) Au terme de la communication, la voix charmante me susurra que le dossier, fruit de diverses participations, ne manquerait pas de paraître très prochainement. Peut-être malgré tout une rencontre pour complément d’information serait-elle nécessaire ? Que je téléphone à mon premier passage à Paris. Pas de problème m’assura-t-on par après (la voix était encore plus charmante) : l’article était bouclé; il ne restait qu’à attendre. Le fait de ne rien trouver sur la nouvelle dans le numéro de mars ne m’inquiéta pas. Mais le fait de lire dans celui de mai l’article annoncé mais sans la moindre allusion à mon intervention me fit tomber des nues. D’autant que plus d’un passage avançait des remarques que je suis le seul à faire depuis des années (notamment celle-ci : à savoir que La Princesse de Clèves est pour le XVIIe siècle une nouvelle). La voix charmante m’avait roulé dans la farine. Quel coup en prenait ma vanité (Désormais je suis plus prudent). Mais quel procédé (après tout ce n’était pas moi qui avais sollicité le journal). Dois-je préciser que les lettres, pas très gentilles, que j’écrivis à la journaliste, si indélicate, à son directeur, demeurèrent sans réponse. Encore maintenant j’en suis à me demander comment les choses se seraient passées si je n’avais pas accordé l’interview par téléphone. Mais l’aurais-je donnée ?

Publié dansSouvenirs d'un liseur de nouvelles