78. Henri-Frédéric Blanc, Le Dernier survivant de Quatorze
(Le Dernier survivant de Quatorze, nouvelle, Monaco, Ed. du Rocher, 1999)
Un soldat de la Grande Guerre s’arrange pour vivre planqué à l’état-major jusqu’au jour où un de ses amis, chargé de débusquer les tire-au flanc, l’envoie au front ; lors d’un affrontement avec les Allemands, il reste le seul survivant (il a éventré son dénonciateur : « -Raoul ? – Quoi ? – T’es mort. C’est la vie. Ma baïonnette-scie était enfoncée dans son ventre jusqu’à garde. Il me l’avait offerte pour mon vingt-deuxième anniversaire. » , p.82-83) et sera considéré comme un héros.
La guerre (la guerre 14) – 79 pages – **
L’image de toute guerre
« J’ai fait quinze prisonniers, j’étais le seul survivant de notre compagnie. J’ai eu le droit à tous les honneurs. Citation à l’ordre de l’armée, croix de guerre, accolade du général Brichu qui empestait l’eau de Cologne. J’ai eu ma photo dans le journal. J’ai pu faire une école d’officiers. L’armistice est arrivée avant que je retourne au front. Je suis rentré chez moi au printemps 1919 avec des médailles sur le poitrail, le grade de lieutenant et une bonne provision d’ écoeurement qui me serait utile pour le restant de mon existence. J’étais vide, mais d’un vide pas désagréable. Une sorte d’absence de désirs qui confinait à la béatitude. L’euphorie du dégoût. On m’a fait fête. C’était moi le héros du village. Ninon me souriait. Elle portait une jupe-cloche à la mode de Paris. Rien n’avait changé, à part le cimetière qui s’était agrandi. » (p.83-84)